Comment partir à l’aventure lorsqu’on ne peut pas traverser les frontières ? Linda, Philippe et David ont trouvé une belle solution.
Écrit en anglais par Linda Farczadi. Traduction: cycliste.ch
Tout a commencé par une folle décision impulsive : après avoir assisté à une projection de « Onboard the Transcontinental » à Lausanne qui m’a rendue euphorique, j’ai fait le grand saut et me suis inscrite à une course de 7 jours en mode bikepacking. J’ai annoncé la nouvelle à mon mari Philippe avec beaucoup d’enthousiasme : « Devine quoi, nous avons signé pour 700 km de gravel dans le désert et les montagnes isolées d’Andalousie. Ça va être génial ! » Il n’est pas surprenant que sa réaction ait été mitigée et qu’il ait ressenti un peu d’appréhension. Il a soulevé quelques points valables tels que notre manque d’équipement pour faire du bikepacking et dormir dehors, ainsi que notre inexpérience sur le gravel technique. Bien que nous possédions des vélos « tout-terrain », nous étions toujours des « roadies » dans tous les sens du terme.
Loin d’être découragés, nous nous sommes rapidement mis à consommer avec énergie toutes les ressources disponibles en ligne sur le bikepacking, le matériel ainsi que des vidéos et des documentaires sur Youtube. Je dois mentionner ici que je suis tombé sur l’incroyable ressource de Chris White, ridefar.info, que j’ai dévorée d’une traite. Avant cela, je ne connaissais Chris que comme le type qui vient au Wednesday Ride avec une étrange sacoche de cadre – un choix que je n’ai jamais compris. Maintenant, j’ai découvert que Chris est un vétéran de tout ce monde du bikepacking et du cyclisme d’ultra distance dans lequel nous commençons à nous aventurer prudemment.
Quelques semaines plus tard, nous étions équipés de deux sacs de bivouac, de deux matelas gonflables et de deux sacs de couchage ultralégers, le tout atteignant environ 1 kg par cycliste ! En ajoutant quelques sacoches à notre collection, en changeant nos cassettes pour des développement plus adaptées à la montagne et en passant à des pneus plus gros, nous étions prêts ! Nous avions maintenant besoin d’un bon défi pour nous mettre à l’épreuve. En raison de la situation actuelle, il devait se dérouler entièrement en Suisse. Le choix d’aller à l’est, et plus précisément dans les Grisons, s’est fait automatiquement : c’est une région que nous ne visitons pas aussi souvent que nous le souhaiterions, et elle procure à notre avis un sentiment d’éloignement et de nature sauvage plus fort que n’importe où ailleurs en Suisse.
C’est à peu près à la même époque que nous avons appris que notre ami David venait d’acheter son premier vélo spécifique pour le gravel, et le trio était formé ! Nous avions un itinéraire de base initial, mais l’idée était de garder une certaine souplesse et de profiter de la liberté qui va de pair avec le bikepacking. J’ai essayé d’inclure autant de gravel que possible sans pour autant que cela devienne du VTT. Le choix est toujours difficile, et bien sûr, nous avons dû pousser nos vélos plus d’une fois. Cependant, la plupart du temps, nous avons rencontré d’incroyables routes de gravel, des cols spectaculaires et d’innombrables chemins forestiers roulants et fun.
Le sentiment de liberté et d’aventure qui accompagne un tel voyage est indescriptible. Bien que nous ayons déjà parcouru à vélo de nombreux cols des Grisons, le fait de quitter les routes nous ouvre un nouvel univers. On a vraiment l’impression d’être en pleine montagne et de côtoyer la nature de près. Le rythme de la journée est également différent. Faire du vélo du lever au coucher du soleil vous fait vraiment prendre conscience de chaque moment qui passe. La routine quotidienne (préparer le matériel de couchage, faire la première pause café, se débarrasser des habits chauds, appliquer de la crème solaire, trouver le déjeuner, s’arrêter prendre une glace, réappliquer de la crème solaire, trouver le dîner, rajouter des couches pour se protéger du froid, trouver un endroit pour dormir) tout en pédalant des centaines et des centaines de kilomètres, induit un véritable sentiment de fluidité. Il n’y a pas de temps ni d’énergie à consacrer à autre chose qu’à être présent, à observer le paysage changeant, à grimper chaque col pour voir ce qui se trouve de l’autre côté.
Voyager léger signifie également que nous avons vécu pendant dix jours avec un minimum de choses : un cuissard, un maillot, une veste de pluie, des manchettes et des jambières, un casque, une doudoune et un ensemble de sous-vêtements en mérinos pour se changer au camp. Nous avons apprécié la simplicité d’un tel équipement et avons appris qu’au bout du compte, il ne faut pas grand-chose pour être heureux : être au chaud, au sec et bien nourri peut faire beaucoup.
Chaque soir, nous nous amusions à dresser la liste de nos « points forts », mais honnêtement, la liste s’allongeait tellement qu’il était difficile d’en garder la trace. En voici quelques-unes : le Pass da Costainas (un col entièrement en gravel au-dessus de 2000m reliant Scuol à Tschierv), les gorges au-dessus de l’Albula (d’Alvaschien à Thusis), la descente en gravel du San Bernandino (le long du Lago d’Isola), l’étonnante route de gravel qui remonte le Val Maghiels (que nous avons découverte grâce à @aswissiwthapulse), toute la région autour de Flims qui est littéralement un paradis du gravel (c’était si bon que nous sommes restés trois jours entiers) et enfin le Kunkels Pass vers Sargans avec un petit détour par St Martin sur le Gigerwaldsee qui sert les meilleurs burgers que nous avons mangés pendant tout le voyage.
Aucun récit de voyage ne serait complet sans mentionner également les « bas ». Bien que nous n’ayons pas eu d’accident majeur, être dehors toute la journée est extrêmement éprouvant, non seulement d’un point de vue physique mais aussi mental. Il n’y a pas d’arrêt sur ce genre de voyage, et on ne peut pas tout préparer car il est presque certain que les choses se passeront différemment de ce que l’on avait imaginé. Le temps peut changer, il peut y avoir plus de neige que prévu, les descentes peuvent être plus techniques que vous ne le pensiez, les montées peuvent être plus raides, vos freins à disque peuvent ne plus fonctionner ou vous pouvez ne pas trouver de point de ravitaillement quand vous vous y attendiez. La fatigue générale peut rendre tous ces problèmes plus dramatiques. Je suis cependant heureuse de vous annoncer que tous ces problèmes ont été résolus grâce à un bon apport calorique, une bonne nuit de sommeil et de nouvelles plaquettes de frein!
Revenir d’un tel voyage conduit inévitablement à un certain blues post-aventure. Mais il ne faudra pas longtemps avant que nous commencions à planifier notre prochain voyage, et je crois qu’il est juste de dire que nous avons attrapé le virus du cyclisme d’aventure.