Photos: Laurent Grabet et Samuel Dixneuf
Connaissez-vous le « véloski rando » ? Pour ce qui est de skier écolo et durable, cette pratique de niche un brin « marginale », se pose là ! Prisée de certains rares fanas de ski de randonnée, elle consiste à rallier le pied de la montagne convoitée à vélo, dans l’idéal depuis son domicile. Et ce en transportant tout son matériel de ski sur soi !
Les seules émissions de CO2 que vous produirez ce faisant, seront celles qui le seront par vos poumons. La chose nous titillait, mes mollets et moi, depuis plusieurs années après que nous ayons croisé aux pieds du Grammont (VS), deux étudiants de l’EPFL venus là depuis Lausanne, un énorme sac sur le dos, leurs skis fixés à leur cadre respectif et… un sourire contagieux scotché aux lèvres.
Après un « brainstorming » avec quelques connaisseurs de mes amis, Teysachaux m’apparut rapidement comme étant l’un des sommets de ma région, offrant le meilleur rapport effort-plaisir pour s’essayer à la pratique aussi ludique que physique du « véloski rando ». Chaque matin au lever du soleil, depuis des mois, ce modeste sommet fribourgeois culminant à 1909m m’appelait à travers les fenêtres de la ferme que je loue en pleine campagne glânoise.
Teysachaux et ses divers versants offrent, en un dénivelé modeste, quantité de possibilités aux skieurs de tous niveaux. Son pied est accessible assez facilement à vélo depuis les régions de Lausanne, Bulle-Romont ou Vevey-Montreux. Et ce moyennant un kilométrage aller-retour raisonnable, un dénivelé cycliste n’exigeant pas de « maillot à pois » et surtout en sillonnant agréablement les riantes collines de la belle campagne fribourgeoise. C’est la montagne idéale pour se frotter au « vélo ski rando ».
Une monture méchamment alourdie
Aligner dans la même journée un aller-retour à la force des mollets et une sortie de ski de randonnée demande évidemment une bonne condition physique, une juste dose de motivation et une capacité certaine à se lever tôt et de bonne humeur… Mais cela exige aussi un peu d’entrainement pour ce qui est des aspects pratiques (lire plus bas). La solution classique pour rouler efficacement consiste à fixer ses skis sur le tube horizontal de son cadre via au moins trois sangles. Les peaux de phoque protégeront votre vélo des dispensables rayures. Quant aux bâtons, dans l’idéal télescopiques, et aux chaussures, ils prendront place dans ou sur votre sac à dos. Attention cependant, ainsi « tuné », votre vélo aura un peu de mal à prendre les virages et il faudra donc les négocier doucement !
Et vu que, comme nous sans doute, vous décollerez aux premières lueurs de l’aube, une petite lampe et/ou des catadioptre pourraient s’imposer ainsi que des surchaussures pour lutter contre le froid. A 7h, mes amis Sam et Pierrot et moi-même partons, habillés mi-cycliste mi-montagnard, lestés d’un solide petit déjeuner et de quinze bons kilos de matériel chacun. La Joux, le Crêt, la Verrerie, Semsales, la Frasse… Presque tout au long des 22km de petites routes de l’aller, Teysachaux s’offre à nos yeux. La montée vers le départ de la course, situé en aval du chalet de la Pudze, se fait sur une route tour à tour à l’ombre et donc encore enneigée, façon cyclocross, soit en adéquation avec nos montures du jour ou bien sur du bitume bien sec et face au soleil du matin. L’impression de vivre l’air de rien une petite aventure s’empare alors de nous.
Une bergerie comme camp de base
A l’heure de changer de vêtements, tout se passe facilement malgré la sueur car les températures du jour évoquent davantage le printemps que la fin février. Le bulletin d’avalanche, quant à lui, affiche un rassurant risque 1. Nous voilà partis confiants et bien échauffés ! La montée vers le vallon, situé en aval de l’alpage de Tremetta, constitue une bonne mise en jambe. Une fois là, le soleil nous rattrape. Il nous accompagne jusque dans la face Nord-Est, laquelle est gravie à skis puis sur la fin crampons aux pieds, et ne nous lâchera plus.
Une fois sur l’arête nord, nous rallions l’imposante croix marquant le sommet de Teysachaux en cinq minutes. Là-haut, l’herbe et la neige se disputent le leadership sous l’œil des Vanils, de la Dent de Lys, des Dents du midi ou encore du Mt Blanc. La vue est époustouflante.
Mais un mauvais petit vent, annonçant le changement de météo du lendemain, se lève et vient nous en distraire. Il nous faut redescendre vers nos vélos, lesquels nous attendent sagement cadenassés contre le mur d’une bergerie métamorphosée en camp de base, 750 mètres plus bas. Pour cela, nous suivons l’arête Nord-Ouest. Elle nous ramène vers le second couloir de la face Ouest dont l’enneigement nous satisfait. Nous chaussons nos skis. La descente y est agréable même si la neige n’est pas encore totalement « revenue ».
La pause de midi se fera à 14h à la célèbre cabane du Petit oiseau de Rathvel moyennant un bon kilomètre de remontée supplémentaire à vélo sur la même route. Elle se composera d’un copieux roesti, d’une bonne bière, d’un café bien tassé et de pas mal de bonne humeur.
Ne nous reste plus qu’à rentrer à la maison, via la station de ski des Paccots, en improvisant cette fois 30km de routes campagnardes dans les collines. Même là, nous ne passons pas inaperçus et un automobiliste, pressentant le petit exploit réussi ayant aiguisé l’amitié, baisse même sa vitre pour nous féliciter. Nous sommes d’humeur joyeuse et un peu fière. Et malgré la fatigue et un mal de dos naissant, l’envie de remettre ça bientôt nous saisit déjà…
Attention, cette course exige une bonne expérience à ski et en alpinisme avec un passage en crampon qui nécessite aussi un piolet. La pente à la descente atteint jusqu’à 37°. Pour les connaisseurs, la cotation est de 3.2 / E2 / AD / S4.
Le Niremont: une belle petite course pour s’initier
Ce modeste mais très joli sommet fribourgeois culminant à 1514m constitue une course plus accessible à « véloski rando » depuis les régions de Lausanne, Bulle-Romont ou Vevey-Montreux car il comporte assez peu de montées cyclistes et aucune difficulté technique à ski. La vue à 360° y embrasse le Moléson, le Mt-Blanc, le Chablais, le Léman et le Jura. On peut l’attaquer depuis un parking situé sur la route de Rathvel peu après le hameau de la Frasse ou depuis les hauts de Semsales à hauteur de l’ancien téléski (960m). Cela représente respectivement 450 ou 550m de dénivelé. Cerise sur le gâteau, les pentes y font moins de 30° et le risque d’avalanche y est donc faible. Il n’est donc pas totalement inconscient de s’y attaquer en solo. Car en effet, l’une des difficultés du « véloski rando » est de trouver des coéquipiers à la fois motivés, équipés et disponibles.
Aspects pratiques
Les conseils de Samuel Dixneuf:
- Le véloski rando garantit un effort authentiquement musculaire, « by fair means » diraient les alpinistes anglais… Il se pratique plutôt au printemps ou par températures clémentes.
- Il faudra chercher à voyager léger. Les plus audacieux parviendront à utiliser presque la même tenue sur le vélo et sur les skis.
- Pédaler sans sac sur le dos grâce à un porte-bagage ou une petite remorque sera un atout, surtout si l’approche à vélo est longue.
- Les skis se placent de part et d’autre du cadre avec les peaux déjà installées, ce qui a l’avantage de le protéger. On peut ajouter quelques petites cales pour éviter toute rayure.
- Sans porte-bagages, il faudra s’assurer que les skis sont bien maintenus et ne viennent pas frotter sur la roue arrière. Des sangles font l’affaire. Penser à en relier une sous la selle. Les tendeurs, dont l’élasticité est trop importante, sont à éviter.
- Un porte-bagage aura l’avantage de caler les skis et le sac à dos pourra y être attaché.
- N’oubliez pas un cadenas pour sécuriser les vélos au « camp de base », qui sera de préférence éloigné des routes.
- Pour le reste, il vous faudra l’équipement de base du cycliste (matériel anti-crevaison, lumières, surchaussures) et celui de base du randonneur à ski. Certains ont l’avantage d’appartenir aux deux mondes (casque, gants, etc.)
- Et le type de vélo ? L’idée étant d’être léger, plutôt rapide et de pouvoir passer partout, un vélo gravel ou cyclocross paraît être la solution idéale. Il permettra de chausser des pneus plus larges et crantés. Un cadre acier ou alu sera enfin moins fragile qu’un cadre carbone.
Laurent Grabet
Laurent habite le charmant hameau de Cerniaz dans la Broye vaudoise. Il est né en 1975 du côté d’Annecy (F), « un véritable paradis pour le vélo de route », promet-il. C’était au début des années 90 sur le magnifique vélo de feu son grand-père cycliste valdotain César qui lui tendaient les bras à la cave sous une couche de poussière. Le plaisir de la découverte lui était déjà bien là et n’a pas pris une ride depuis, lui… Suivirent d’innombrables sorties seul ou entre amis sur ce vieux biclou puis sur tous ceux qui lui succédèrent. Quelques coursettes même dont une que Laurent gagna malgré lui du côté de Toulouse dans la catégorie la plus basse qui soit mais dont il tira une fierté plutôt haute. Avec l’âge, la pratique se fit moins compétitive, plus contemplative et peut-être même plus jouissive. Aujourd’hui, Laurent, qui est journaliste indépendant aime découvrir de beaux itinéraires et rouler entre amis.