Quel cycliste n’aura jamais connu ce sentiment perfide de frustration, cette émotion furibonde qui vient de nulle part, coupant peu à peu le souffle et ramollissant les guibolles ? Je n’y ai pas échappé. Voici le récit d’une épopée vélocipédique ratée (parce que ça arrive à tout le monde !)
L’été passé, Lillie a publié sur le groupe Facebook de cycliste.ch les infos sur des itinéraires sympa dans notre région. J’embarque alors mon partenaire pour tester l’une de ces balades, mais dans le sens inverse. Nous partons la fleur au fusil par un bel après-midi d’été indien. L’idée étant de rouler depuis la maison à Villars, monter aux Ecovets, traverser Antagnes, redescendre sur Bex puis grimper jusqu’à Barboleuse pour un stop bien mérité au salon de thé.
La météo plutôt clémente nous offre une descente tranquille et un peu de fraîcheur dans les sous-bois jusqu’à Ollon. Traversant le joli village d’Antagnes entouré de vignes, nous gardons un rythme normal jusqu’au début de la route de Gryon. Seb et moi roulons globalement pour notre plaisir personnel hors performance, sans pour autant oublier que l’on aime bien se challenger quand même. Nous aimons également découvrir des chemins bucoliques et pouvoir ainsi conseiller des itinéraires à nos clients.
Je pense que – comme tous bon sportifs – nous adorons ressentir les picotements de l’effort, et nous assurer peut-être aussi que nous ne décrépissons pas trop vite, on n’a plus 20 ans ! Aucunement adeptes de Strava, ni de compétitions en tout genre, nous n’éprouvons pas le besoin de se mesurer aux autres. Dès lors, avec de telles motivations personnelles et presque raisonnables, j’imaginais que je pourrais éviter le sentiments de frustration, celui qui peut émaner, par exemple, d’un comparatif foireux avec son voisin en cas de résultats plus médiocres.
Pourtant, sur cette montée, j’allais découvrir que l’on peut s’auto-frustrer, simplement en rencontrant une petite contrariété qui, tout à coup, prend de l’ampleur et somatise d’étranges symptômes…
Constatant que Seb prend son envol, un sentiment critique de faiblesse m’offusque tout à coup. Mon vélo semble se déplacer de moins en moins vite, pourtant c’est bien moi qui ai le souffle rapide et les jambes qui flageolent. Je me connais par cœur question nutrition, je sais que j’ai mangé ce qu’il me faut avant de partir et si besoin, j’ai du ravito dans ma sacoche. Je fais une première pause, ancre les pieds au sol tranquillement et respire à fond, calme mon rythme cardiaque…
Je reprends la route dont le dénivelé est pourtant assez doux, en plus, je connais l’itinéraire. Pourtant, rien à faire j’ai l’impression de gravir une pente à 25 %, ma cadence ralentit, je vois mon acolyte s’éloigner toujours plus et cela m’agace d’autant plus. Je ressens un début de frustration et ça me grille le cerveau, le plaisir et les pattes ! Clairement ma force mentale est en train de ma lâcher en même temps que je commence à avoir le ventre qui glougloute, ou serait-ce le sens inverse ?
Seb m’attend un bout plus haut, arrivée tant bien que mal enfin à sa hauteur, je lui conseille de partir devant : «on se rejoint à la maison, je finirai bien par arriver à un moment.». Dans ma tête il est clair que je ne vais pas lâcher ! D’ailleurs, je ne lâche jamais, pourtant je me sens comme un abricot sec. Mon binôme trace sa route et je m’arrête sur un banc avant les Posses, avec une vue imprenable ; j’ai l’impression d’avoir monté 3 cols d’affilé.
Je grignote un paquet de biscuits à l’épeautre, un bout de chocolat noir et bois de l’eau. Je fais un exercice de cohérence cardiaque, m’inspire du magnifique paysage, fais quelques étirements, vide ma tête, prends mon temps. Néanmoins, ce sentiment médiocre d’auto-insatisfaction est bel et bien là et ne me portera certainement pas plus loin. Quand je re-chevauche ma monture c’est comme si mon hémoglobine me lançait des piques. Je fulmine, me traite d’idiote et plus je peste, moins j’avance.
On peut se demander alors quel processus se déclenche lorsqu’un tel ressentiment s’empare de notre esprit? Comment notre système psycho-neuro-endocrinien répond organiquement à une telle menace ? A partir du moment où la frustration génère une émotion négative, on pourrait penser que le phénomène présente certaines similitudes avec celui du mécanisme du stress. Face à ce déséquilibre, notre organisme libère probablement le même style de substances actives que lors d’un état de panique. Certaines hormones vont jouer leur rôle de pare-feu, au détriment du bon fonctionnement du circuit de la récompense qui devrait normalement opérer lorsque l’on est en train de prendre du plaisir à vivre nos performances.
Le circuit de la récompense est impliqué dans la motivation, le plaisir et l’apprentissage. Il fonctionne en libérant de la dopamine, un neurotransmetteur qui crée une sensation de satisfaction et encourage la répétition des comportements agréables. Influençant également la production de la sérotonine, l’hormone du bonheur, cette réponse physiologique est à l’origine de cette sensation de pouvoir rouler avec des ailes. Attention toutefois car à répétition il est ce qui conduit aux comportements addictifs.
La décision ultime de stopper ma sortie à vélo du jour est un crève-cœur, un échec, bel et bien une énorme déception qui m’engloutit… J’arrive péniblement jusqu’à la gare des Posses avec une fatigue immense dans le corps et l’esprit et cette frustration qui me talonne. C’est bien la première fois que je capitule à vélo.
La cerise sur le gâteau, lorsque je tente de monter dans le train, mes genoux lâchent totalement et je m’écroule sous mon biclou ; clairement mon esprit a été plus fort que mes muscles… Je ne veux plus jamais revivre une sortie aussi pénible.
Résumons : analyser et comprendre encore mieux la corrélation mental-physique. Il est clair que frustration et performance ne peuvent pas s’entendre. Lorsque l’on insiste sur le conseil de performer d’abord pour le plaisir, ce n’est pas pour rien ! Il est donc important de juger son état émotionnel avant le départ et adapter son parcours en toute humilité, ceci afin d’éviter quelques possibles réactions intempestives qui coupent toute énergie physique. Il me paraît judicieux de ne pas s’entêter au point de risquer l’accident.
Alors quelles seraient les astuces du cycliste heureux dans ce cas-là ?
Avoir sa petite trousse d’huiles essentielles qui sauve : préparer une synergie encourageant la bonne humeur et le circuit de la récompense, soit HE de Bergamote (bonne humeur), citron (antistress, énergisant), laurier noble (aide à la concentration et antalgique) et encens d’Oliban (lâcher-prise et confiance en soi) ; mélanger 3-4 gouttes de chaque dans 5 ml d’huile végétale de calophylle inophyle et appliquer sur la zone des reins et sur le plexus solaire avant de partir ou lorsque la frustration se fait ressentir.
Manger une banane : hé oui, encore elle, son magnésium va favoriser votre décontraction musculaire.
Se préparer une gourde avec une tisane de romarin qui lutte contre la fatigue mentale, soulage les douleurs et améliore la circulation sanguine ; idéal pour contrer les effets de la frustration en profondeur.
Et puis comme disait Pierre Dac : «cyclistes, fortifiez vos jambes en mangeant des œufs mollets.»
Julia Delattre – Fix Yourself
Julia aime pédaler depuis toute petite, surtout pour s’évader. Née en Bretagne et Villardou d’adoption, elle vit sur le plateau avec son fils depuis 2011 ou elle profite pleinement de ce terrain de jeu incroyable, pour la rando, la course à pied, le vélo ou simplement la méditation.
La vocation de Julia étant de transmettre les émotions ressentis grâce au mouvement (oui, elle ne tient pas en place !), elle a terminé en 2019 une formation complémentaire de conseillère en naturopathie spécialisée dans la nutrition et les performances. De nature altruiste, elle aime particulièrement décortiquer le fonctionnement holistique de l’humain et partager ses connaissances et savoir-faire.
Vous pouvez contacter Julia sur son site Fix Yourself et voir tous ses articles ici.