Est-ce que des manivelles plus courtes sont utiles ?

Dans un article précédent, j’avais développé les choix possibles concernant les longueurs de manivelles.

C’était en 2019. Il y a un siècle. Depuis des fleuves ont coulé sous les ponts et l’Histoire s’est accélérée.

Rassurez-vous, rien d’anxiogène dans ce dont je vais vous entretenir : pas de réflexions sur les ambitions impérialistes d’un néo tsar, ni sur le retour d’un golfeur rouquin milliardaire, ni même sur la chute de l’action Nvidia (quand bien même ce dernier point est, jusqu’ici, le plus impactant à titre personnel).

Je me contenterai donc de deviser sur les récents bouleversements biomécaniques dans le domaine des longueurs des leviers de pédalage. Et il y a suffisamment de choses à dire tant le temps où Miguel Indurain ridiculisait ses adversaires en écrasant les manivelles de 190mm de son Pinarello Espada semble appartenir à l’Antiquité.

Pas besoin cependant de remonter aussi loin, trois-quatre ans suffisent, pour réaliser la disparition du consensus qui régissait jusqu’alors presque sans exception le choix des manivelles : entre 170mm et 175mm.

Disruptive, une insolente génération de petits génies cyclistes a fait son apparition et on scrute tous ses détails dans l’espoir d’y découvrir l’explication de son apparente facilité merckxienne. Et impossible de ne pas tiquer devant le passage à des manivelles plus courtes devenu mainstream chez les cadors du peloton.

Pogacar avait parmi les premiers fait sursauter les observateurs de la chose cycliste en adoptant des leviers de 165mm. Mais cette innovation est presque reléguée au rang d’épiphénomène comparativement au buzz créé par Vingegaard et ses manivelles de 150mm au récent Tour d’Algarve !

Quelles sont les explications plausibles à ce changement de paradigme, au-delà d’un effet de mode ?

En premier lieu, l’argument aérodynamique peut être mobilisé. Des manivelles plus courtes réduisent la surface frontale du vélo, de manière faible mais pas négligeable, à tous les points où les manivelles ne sont pas horizontales. C’est un gain marginal mais dont les coureurs sont friands au vu de l’importance accordée maintenant aux moindres détails de la performance.

En plus d’être davantage aérodynamiques en soi, des manivelles plus courtes permettent également au cycliste d’être plus aérodynamique. En effet, avec des leviers plus courts, il est possible d’adopter une position plus agressive avec une plongée supérieure et ceci sans trop fermer l’angle de la hanche et sans stresser les chaînes musculaires adjacentes. C’est d’ailleurs un set up classique pour les vélos de contre-la-montre et de triathlon et qui semble être transposé aux modèles traditionnels.

Deuxièmement, l’aspect biomécanique peut également être invoqué avec l’idée que des manivelles plus courtes pourraient s’avérer bénéfiques au niveau musculaire. En se traduisant par une cadence de pédalage plus élevée pour un même braquet, cela permet en théorie un coup de pédale se faisant moins en force pour une même puissance. Est-ce le secret pour garder des jambes fraîches en fin de course ? Peut-être, même si les études peinent à apporter des certitudes à ce niveau.

Le gain de poids joue peut-être également. La tendance par le peloton de rouler avec les modèles de vélos aéros (plus lourds) de leur équipementier sur toutes les topographies de courses se généralise. En effet, avec les évolutions des cadres et des composants on parvient à fleureter sur ce type de machines également avec le poids minimal de 6,8 kg imposé par l’UCI, à condition de chasser les grammes partout où ils peuvent l’être.

Ces différentes pistes, sans être exhaustives, soulèvent sans doute une partie des raisons de cette tendance récente au raccourcissement des manivelles, quand bien même les évidences scientifiques et réellement quantifiables restent difficiles à objectiver.

Gageons que dans ce domaine aussi la fin de l’Histoire n’est pas pour demain. On fait le point dans cinq ans !

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Guillaume Bourgeois – Vélo Perfection

Fondateur de Velo Perfection, une entreprise spécialisée dans l’optimisation de la performance à Aubonne et Genève, Guillaume Bourgeois s’occupe des études posturales de nombreux cyclistes romands dont certains professionnels. Il est spécialisé dans les études posturales, les plans d’entrainement et le suivi d’athlète. Voir tous ses articles