Histoire des courses de bikepacking: 1. La Préhistoire et l’Antiquité

Histoire du bikepacking Paris-Brest-Paris

Avec le gravel, le bikepacking est la discipline qui monte parmi les cyclistes. Mais d’où vient cette pratique et comment sa dimension compétitive s’est-elle développée? Contributeur de cycliste.ch, Chris White est basé dans la région lausannoise. Pratiquant passionné, il a créé un site internet en anglais consacré à tout ce qui touche au bikepacking et à l’ultracyclisme: Ride Far.

Cette série d’articles sur l’histoire des courses de bikepacking est une traduction adaptée de l’une des sections du site de Chris, où vous retrouverez plus de références et de liens. Nous avons choisi de titrer chaque section suivant les grandes époques de l’histoire humaine, parce que le bikepacking est un sujet vraiment très sérieux.

L’histoire des courses modernes de bikepacking est assez courte. Les premières courses auxquelles on peut attribuer ce label sont des épreuves off road aux États-Unis au début des années 2000 : l’IditaBike en Alaska et la Great Divide Race à travers les Montagnes Rocheuses. Les courses de bikepacking sur route ont débuté avec la World Cycle Race en 2012, puis la première Transcontinental Race en Europe en 2013 a commencé à attirer beaucoup plus d’attention. A côté des courses de bikepacking, proches des origines du sport cycliste à la fin des années 1800, de nombreuses personnes se sont aussi mises à enregistrer des temps sur des routes d’ultra-distances en solo et en autonomie.

Les éléments qui définissent une course de bikepacking

Dans une course de bikepacking moderne, les coureurs sont autonomes, aucun drafting n’est autorisé et le chronomètre ne s’arrête jamais entre le départ et l’arrivée, qui peuvent être distants de plus de 7’000 km. Le fait d’être en autonomie signifie que tout l’équipement doit être porté par le coureur, qu’aucun soutien extérieur n’est autorisé (pas de véhicule suiveur), que les coureurs sont livrés à eux-mêmes, mais qu’ils peuvent utiliser tous les services commerciaux disponibles le long du parcours (restaurants, épiceries, hôtels, magasins de vélo, etc.).

Certaines personnes réservent le nom de « bikepacking » au cyclisme tout-terrain, mais ce nom fait davantage référence au type de sacoches utilisés qu’au terrain, de sorte qu’il est également correct d’appeler les événements sur route « bikepacking » s’ils suivent le format d’ultra-distance en autonomie. 

Il est intéressant d’examiner l’histoire de la course cycliste pour découvrir comment le format de course de bikepacking a évolué. Elle a été fortement influencée par le développement de la technologie: nous devons donc remonter au début, lorsque la bicyclette a été inventée en 1817.

Les débuts de la bicyclette

Les premiers engins à deux roues que nous identifions aujourd’hui comme les précurseurs des bicyclettes modernes étaient très simples. Ils avaient deux roues alignées l’une devant l’autre avec une poutre qui les reliait et sur laquelle les cyclistes prenaient partiellement appui en tapant du pied sur le sol. Ils étaient une curiosité, mais ne représentaient rien de révolutionnaire. 

Ce n’est que lorsque des manivelles ont été ajoutées à la roue avant des bicyclettes dans les années 1860 que le cyclisme a vraiment commencé à gagner en popularité. Les gens ont naturellement commencé à tester la distance qu’ils pouvaient parcourir et la rapidité avec laquelle ils pouvaient se rendre d’un endroit à l’autre. Ils sont donc devenus compétitifs, comme l’explique la section sur les courses ci-dessous.

Si les manivelles sont fixées directement à l’axe de la roue avant, la vitesse de déplacement est limitée par la taille de cette roue. C’est pourquoi des vélos dotés d’une roue avant aussi grande que possible ont été développés, que nous appelons aujourd’hui « grand bi ». La conduite d’un grand bi requiert une certaine habileté et les accidents étaient assez fréquents. 

L’évolution suivante s’est produite dans les années 1880 avec ce qui était à l’époque commercialisé sous le nom de « vélo de sécurité ». Ces bicyclettes ressemblaient beaucoup aux bicyclettes modernes, car elles avaient deux roues de taille similaire et la roue arrière était entraînée par une chaîne.

Les premières courses de vélos

1868-1900 : L’aube de la course cycliste

Comme nous l’avons mentionné plus haut, dès que des vélos à pédales ont été mis sur le marché, les gens ont voulu voir qui pouvait pédaler le plus vite. La première course cycliste organisée a eu lieu à Paris en 1868. Elle ne faisait que 1200 mètres, et ce n’est qu’un an plus tard que la première course a été organisée entre deux villes, de Paris à Rouen en France, soit une distance de 123 km. 120 personnes ont pris le départ, dont deux femmes, mais seulement 32 ont terminé. James Moore, un Anglais, l’emporta en 10 heures et 45 minutes. 

Les bicyclettes de sécurité ont permis de parcourir de plus longues distances et les distances de course ont continué à augmenter. La première course Bordeaux-Paris, longue de 560 km, a lieu au début de l’année 1891 (remportée par l’Anglais George Mills en 26 heures 36 minutes) et la première course Paris-Brest-Paris, longue de 1200 km, quelques mois plus tard (remportée par le Français Charles Terront en 71 heures 22 minutes – seuls les hommes français étaient autorisés à participer).

De 1900 à aujourd’hui : La course cycliste professionnelle continue de se développer

Après le succès médiatique du deuxième Paris-Brest-Paris en 1901, Henri Desgrange lance le Tour de France en 1903 pour promouvoir les ventes de magazines et de journaux. Le Tour est la première course dans laquelle le chronomètre s’arrête après chaque étape au lieu d’être continu. Malgré cela, la plupart des étapes des premières éditions de la course étaient longues de 400 à 500 km. Le Giro d’Italia a débuté en 1909 avec un format similaire. 

Les courses se sont déroulées par équipes presque depuis les premiers jours des épreuves cyclistes professionnelles à la fin des années 1800. Cependant, de nombreuses personnes roulaient en tant qu’individuels et, à l’origine, le règlement de nombreuses courses stipulait que les coureurs devaient être autonomes. L’exemple le plus célèbre est celui d’Eugène Christophe qui a cassé sa fourche dans la descente du col du Tourmalet alors qu’il menait le Tour de France en 1913. Après qu’il ait porté son vélo jusqu’au prochain village, les officiels de la course ont contrôlé qu’il avait ressoudé la fourche tout seul et lui ont même donné une petite pénalité car c’est une jeune garçon qui a actionné le soufflet. Le blog d’Apidura propose un article qui traite des similitudes entre ces premières courses de vélo et les courses modernes de bikepacking.

Les femmes n’étaient généralement pas autorisées à participer aux courses cyclistes professionnelles, mais en 1924, une Italienne, Alfonsina Strada, s’est inscrite sur la liste de départ du Giro d’Italia en se faisant passer pour un homme. Elle a finalement été autorisée à participer. La course Paris-Brest-Paris n’admettait pas non plus les femmes au départ, et ce n’est qu’en 1931 que la première femme a terminé cette course.

Les règles et l’organisation du sport ont évolué au fil du temps, jusqu’à ce que l’on en arrive à la situation actuelle, où les courses professionnelles, sur route et off road, impliquent exclusivement de grandes équipes qui assistent leurs coureurs de toutes les manières possibles. Les personnes qui tentent de battre des records en solitaire utilisent également des équipes d’assistance. Il est difficile de déterminer avec précision à quel moment les coureurs et les détenteurs de records ont cessé d’être autonomes, mais c’était certainement assez tôt dans l’histoire de la course cycliste.

Outre le fait que les courses ont cessé d’être en autonomie, les distances parcourues dans les courses professionnelles ont généralement diminué, en particulier depuis que la couverture télévisée est devenue importante. Il n’existe actuellement aucune course cycliste professionnelle de haut niveau, à départ groupé, qui couvre plus de 300 km en une seule étape.

Autres styles de cyclisme d’ultra-distance avec assistance

Randonnées Audax

Contrairement au cyclisme professionnel et à son évolution au fil du temps, les épreuves d’audax ou de randonnée existent depuis la fin des années 1800 et ont très peu changé depuis. Elles se déroulent sur des distances allant de 200 à 1500 km. Bien que le chronomètre ne s’arrête jamais, il ne s’agit pas officiellement de courses; terminer dans le temps imparti est tout ce qui compte pour la plupart des gens. L’assistance extérieure n’est pas autorisée entre les points de contrôle, mais il est permis de rouler en groupe et d’aider les autres participants: il ne s’agit donc pas de randonnées solitaires et en autonomie. 

La randonnée audax la plus célèbre est Paris-Brest-Paris, qui a cessé d’être une course professionnelle après 1951 et est devenue une randonnée purement audax. Bien qu’il n’y ait plus de vainqueur ou de classement officiel, la bataille pour avoir le temps le plus rapide pour terminer le parcours est intense.

Records en solitaire

En plus des courses de masse, des athlètes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie ont tenté d’établir des records en solitaire entre deux villes ou deux endroits. Des organisations telles que la British Road Records Association ont été créées dans les années 1880 pour tenir des registres sur des itinéraires spécifiques et certains records existent encore aujourd’hui, le plus célèbre étant celui de Lands End à John O’Groats au Royaume-Uni, sur une distance d’environ 1400 km. 

L’Américain Thomas Stevens est devenu le premier à faire le tour du monde à vélo. Il a parcouru environ 22 000 km entre 1884 et 1886 sur un grand bi. Une autre Américaine, Annie Londonderry, a été la première femme à effectuer un tour du monde à vélo en 1894-95.

Courses de six jours

Les toutes premières courses cyclistes d’ultra-distance se sont déroulées sur des pistes courtes, qui sont devenues des vélodromes. Lors de la toute première course sur piste de six jours, qui s’est tenue au Royaume-Uni en 1878, le vainqueur a parcouru plus de 1700 km. Les courses de six jours ont pris de l’ampleur aux États-Unis dans les années 1890, mais un format d’équipe de deux hommes a rapidement fait son apparition et, par la suite, les courses n’ont été organisées que pendant une partie de la journée et non plus sans interruption.

Ultracyclisme avec assistance

Bien qu’il n’existe pas de courses professionnelles de plus de 300 km dans lesquelles il est autorisé de rouler en groupe, il existe des courses de ce type qui se déroulent sous forme de contre-la-montre individuel avec départ groupé. La course la plus connue de ce format, souvent appelée ultracyclisme, est la Race Across America (RAAM), longue de 4800 km. La première version de la course a eu lieu en 1982 et a été organisée par John Marino, qui était l’un des 4 partants. En 1984, une femme a terminé la course pour la première fois.

Les professionnels et les amateurs participent à la RAAM et des équipes d’assistance complètes avec des voitures suiveuses sont obligatoires pour chaque participant. D’autres événements utilisant un format similaire sont maintenant organisés dans le monde entier et sont sanctionnés par l’UltraMarathon Cycling Association.

Il existe également de nombreuses courses contre la montre de 12 et 24 heures qui se déroulent sur des routes, des vélodromes, des pistes de course et des sentiers de VTT et qui impliquent généralement des équipes d’encadrement complètes. Le fait que le drafting soit autorisé dépend de l’événement.

A suivre …

Chris White

Chris est passionné par le cyclisme ultra-distance, le tourisme et la vie à vélo (vélotaf/cargo, etc). Il a grandi en Angleterre, a étudié aux États-Unis et au Canada, puis est venu en Suisse en 2005 pour travailler à l’UNIL en psychologie.  Depuis 8 ans, il travaille comme mécanicien vélo dans la région lausannoise et il gère maintenant l’atelier RideFar. Il pratique le cyclotourisme depuis plus que 20 ans, mais il est tombé amoureux de l’ultra-distance en 2014 quand il a fait sa première Transcontinental Race, une course de 4000 km à travers l’Europe à laquelle il a participé trois fois. Il a créé le site web RideFar.info, une ressource exceptionnelle pour le cyclisme ultra-distance et le bikepacking.