Mes trois premiers 2’000

Même à 46 ans, on peut (re)découvrir la plaisir de rouler. Membre de la communauté cycliste.ch, François Longchamp parle de sa première expérience sur 3 grands cols suisses mythiques pendant la course Chasing Cancellara Bern-Andermatt.

2020, une année particulière. Tous ceux qui avaient des projets sportifs auront revu leur planification plus d’une fois. Tel a été mon cas, et pour le meilleur je dois dire.

Flashback : Juin 2019, à 46 ans, j’ai acquis un vélo de route. Premier choc, la technologie a bien changé depuis plus de 20 ans. J’ai même de la peine à trouver comment passer les vitesses ! Je n’avais jamais été un « mordu » de cyclisme à l’époque, mes sorties ne dépassaient que rarement les 50-70 km. J’ai pris un énorme plaisir à rouler pendant l’été 2019. Allongeant petit à petit les sorties, dépassant fréquemment les 100 kilomètres et gravissant autour de chez moi ce qui me paraissait encore énorme à ce moment-là. Je me rappelle avoir lu que le Mollendruz était un petit col de début de saison ; quant à moi j’y étais à la peine et me sentais victorieux une fois au sommet de ce dernier!

À l’automne 2019, c’était décidé. J’allais m’entraîner sérieusement. Il me fallait un objectif, quelque chose de particulier qui me fasse me lever à 5 heures du matin jour après jour la semaine et affronter toutes les météos le week-end. La chance a été de mon côté et j’ai été tiré au sort pour un droit de participation au Marathon des Dolomites 2020. Dans mon planning, j’ai aussi mis le Granfondo UCI Bourgogne en avril.

Celui qui allait s’appeler COVID-19 est passé par-là, remettant en cause les calendriers, créant de l’incertitude sur les échéances. Heureusement, malgré les reports et annulations j’ai su garder la motivation à l’entraînement. Ce dernier a même été salutaire pour mon équilibre pendant le « confinement ».

En avril 2020, j’ai fait un pas supplémentaire en faisant l’acquisition d’une vraie machine de course. J’ai alors compris que l’esthétique dans le cyclisme n’était pas moins importante que la performance de la machine.

Mon entraînement s’est poursuivi. Que j’aimais gravir ces petits cols du Jura, foncer le long des lacs Léman et de Neuchâtel pour des longues sorties, effectuer des intervalles tôt le matin sur mon home trainer. Mais il me fallait quand même trouver quelque chose à me mettre sous la dent cet été, un événement de taille.

Mon épouse m’a convaincu de participer à Chasing Cancellara « Bern – Andermatt » le 3 juillet, 210 kilomètres et environ 5’500 mètres de dénivelé. Bien au-delà de ce que j’avais fait jusque-là. Avant de m’inscrire, je suis vite parti faire le parcours de la Classique des Alpes vaudoises (Croix, Pillon, Mosses) depuis Aigle pour me rassurer. L’essai a été probant, le Col de la Croix un réel bonheur, la décision prise.

Me voilà donc au départ, le vendredi 3 juillet à environ 4h00 du matin au Wankdorf. Il fait nuit, des larmes d’émotion sur le visage se mêlent aux gouttes de pluie, toutes ces heures de sacrifices vont se voir récompensées. La première partie du parcours, de nuit et sous la pluie, n’a pas été facile. Ma première victoire, marquée par un cri de joie, a été le passage d’une pente à 18% après une quarantaine de kilomètres. Un concurrent m’a fait remarquer, à juste titre, qu’il restait encore 170 kilomètres. Il avait raison mais ma première victoire était là : je savais que j’arriverais au bout !

Au pied du majestueux Grimsel j’allais m’élancer vers des sommets encore jamais conquis, jamais aussi élevés et jamais aussi longs. Dans une météo terrible, j’ai rapidement pris mon rythme. Petit à petit, comme porté par un pouvoir surnaturel, j’ai grignoté du terrain, dépassant régulièrement d’autres participants. J’ai alors compris le bonheur de la montagne. Je ne cherchais pas à être meilleur que les autres, je cherchais à donner le meilleur de moi-même. C’était moi que je dépassais. Quelle émotion au sommet, j’avais réussi. Le froid et le brouillard cédaient la place au soleil et à un peu de chaleur dans la descente sur Ulrichen. Mais que j’ai été mauvais dans la descente ! J’avais totalement oublié d’exercer cela, focalisé sur les ascensions. J’ai donc pris ces descentes comme des entraînements et j’ai soigné les courbes, essayant de nouvelles trajectoires bien plus fluides.

L’ascension du Nufenen a été plus rude. La pente est raide, la route interminable et sans répit. À ce stade de la course, les participants sont bien éparpillés et tu ne vois pas grand monde. De temps en temps un duo te dépasse. Une petite conversation avec un jeune cycliste d’Echallens m’a fait du bien. Et voilà, un deuxième sommet à plus de 2’000 mètres !

Le Tessin ouvrait grand ses bras accueillants et je me retrouvais rapidement à Airolo, au pied du Gotthard. Quelle majesté vu d’en bas. Un vent du nord puissant a rendu l’ascension de la Tremola plus laborieuse que nécessaire. Je n’avais qu’un seul but, arriver au sommet. Mon principal concurrent était mon cerveau mais épingle après épingle, pavé après pavé, je me rapprochais de l’arrivée ; il fallait juste être patient. Au sommet j’ai pleuré de joie, je l’avais fait, j’avais gravi 3 sommets mythiques. Pour beaucoup de cyclistes, ce n’est certainement pas grand-chose mais pour moi c’était énorme. Il ne me restait plus que la descente vers Andermatt pour boucler ce périple.

Il y a un an je craignais les ascensions, je les refusais. Maintenant je les cherche. J’aime sentir que j’ai trouvé mon rythme et que j’ai réussi, virage après virage, à faire le vide dans ma tête laissant chaque révolution de pédale me rapprocher d’un bonheur qui se matérialisera par un sommet et la vue du chemin parcouru.

Fin août je me lancerai sur Zürich – Zermatt de Chasing Cancellara. J’espère y trouver le même bonheur et y croiser une version encore meilleure de moi-même.

François Longchamp

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